vendredi 25 mars 2011

J'aime Samuel Gaudet (et l'homme qui portait la barbe)

J’ai cinq ans. Du haut de mes courtes jambes de lilliputienne, la tête complètement basculée vers l’arrière, je fixe l’homme qui se dresse devant moi. Il est grand. Il est fort. Il a le regard aiguisé, sévère mais attendrissant. J’enroule mes longues tresses autour de mes doigts fins, formant ainsi de jolis colimaçons. Avec mes souliers de cuir verni, je forme de petits monticules de sable. Je simule le jeu de celle qui attend bien sagement que la balançoire se libère. En réalité, l’œil espiègle, je l’observe en silence. Je fronce les sourcils et tente de le décortiquer comme une crevette. Mais il a la carapace plutôt coriace le monsieur. Le cœur tendre, certes, mais il a la couenne dure, comme dirait ma grand-mère. Mais qui est-ce?  L’homme semble heureux. Son sourire se cache sous sa barbe, mais ses yeux sont rieurs. L’homme est mystérieux. Il ne parle pas beaucoup, mais il semble entendre ce que les autres n’entendent pas. L’homme doit être généreux aussi, car je peux percevoir les pulsations de son cœur sur sa main.

Je croise soudainement son regard. Je pense qu’il a vu clair dans mon jeu. Je baisse les yeux et fais la moue en apercevant mes souliers poussiéreux. Je relève la tête en me pinçant les lèvres et il me sourit. Du coup, je me sens grandir. Il s’approche et dépose ma petite main fraîche dans le creux de la sienne. Cet homme, c’est mon père.
Encore aujourd’hui, plus de trente ans plus tard, il m’arrive de l’observer et de me demander qui il est. Je sais tout de lui et je ne sais rien à la fois. Il est proche et distant à la fois. Parfois, je le surprends à m’observer, l’œil espiègle. Et à ce moment, je devine que l’homme est aussi sensible. Car une larme de fierté inonde le coin de ses yeux rieurs…


Une larme de bonheur s'est également pointée chez moi lorsque j'ai goûté les cochonnailles de Samuel Gaudet et Nathalie Joannette, cofondateurs de Fou du cochon. Et ici, ne cherchez pas le lien avec mon père. Il n’y en a pas, sinon qu'ils m'intimident eux aussi par tant d'intelligence et d'audace. Primo, je suis tombée sous le charme de leur site Internet. Au fil des pages, on réalise qu'ils manient aussi bien le couteau que la plume. Secondo, je suis tombée à la renverse en apprenant que leurs produits, pourtant «cochons», sont bio! On peut même commander par Internet. Pourquoi se priver pareil plaisir? 



http://www.fouducochon.com/ 


vendredi 18 mars 2011

J'aime Anne Marie Lecompte (mais je n'aime pas les nuits blanches)

Minuit. Je ne dors toujours pas. Je suis impassible et j’attends que le sommeil me trouve. Je crois n’avoir jamais été aussi bien cachée.
1h 15. Je soupire, résignée. Mon cerveau n’est pas du tout indulgent avec moi. Il m’en fait voir de toutes les couleurs. Je repasse en boucle les moments forts de la semaine. Le noir prédomine, car j’en broie et je rumine.
1 h 30. Je me sens comme un gigot sur broche qui tourne sur lui-même. Chéri ouvre l’œil un tantinet, dérangé par la turbine qui échauffe l’édredon. Il me tapote la fesse avec compassion et retombe aussitôt dans les limbes.
1h 40. Je songe à mes prochaines vacances estivales en Irlande. Le calme s’installe un peu. Tiens, je vais compter des moutons. Un, deux, trois…
2 h 08. ….deux cents dix, deux cents onze…L’enclos déborde. La bergère en moi désespère et capitule. Je me mets soudainement à calculer le nombre d’heures qui me séparent de l’aube. J’angoisse.
2 h 25. Mes yeux semblent inexorablement attirés par les chiffres rouges et menaçants de mon réveil. Je ferme les yeux pour les chasser de ma vue. Mes doigts empoignent le matelas. J’entends les grains de sable qui s’écoulent du sablier. À moins que ce ne soit plutôt le son d’un rongeur qui use ses dents sur un deux par quatre? Tous mes sens disjonctent. Je me sens prise en souricière, menottée par un surplus d’énergie malsaine.
15 h 00. Je hisse le drapeau blanc et quitte ce lit maudit. J’ouvre le téléviseur et zappe. Des milliers d’images aussi incompréhensibles que surprenantes défilent alors devant mes yeux cernés: celles de jeunes femmes aux seins volumineux habillées en fillette. Celles de charlatans nous priant de composer le numéro au bas de l’écran pour trouver enfin le bonheur. Sur une autre chaîne, des images de Japonais affligés me glacent le sang. Mon lit me manque tout à coup.

Et là, mes yeux se posent sur ma nouvelle revue Châtelaine sur la table à café. Et je pense à Anne Marie Lecompte, une talentueuse et vibrante journaliste dont le fils s’est suicidé en novembre dernier. Dans l’édition d’avril, elle nous livre un texte poignant et coup de poing. Un cri du cœur. Son texte, intitulé Parti sans bruit, est profondément troublant. J’ai tant pleuré en le lisant. Il est empreint de vérité. À tous les pères et mères de ce monde : trouvez un moyen de mettre la main sur cet article. Car peut-être pleurerez-vous de tristesse en le lisant, mais ce pourrait bien être aussi de soulagement lorsque vous serrerez vos enfants dans vos bras…

Mes petits bobos sont soudainement bien petits et anodins. J’ai alors gravi les marches rapidement, je suis allée embrasser tendrement mes deux petites merveilles du monde, je me suis glissée contre l’amour de ma vie, et j’ai rejoint doucement les bras de Morphée….vers 5h00.


vendredi 4 mars 2011

J'aime François Paradis et Jouhainna Lebel (et j'aime ma tête!)

Je décorerai sous peu mon gâteau d’une trente-sixième chandelle. Les yeux fixes et béants, les plus jeunes diront que je suis vieille. Les yeux avides et mélancoliques, les plus vieux diront que je suis jeune. Quant aux casse-pieds, ils diront que ma 37ème année de vie débute. Et moi, je m’agrafe solidement à l’idée que l’âge m’importe peu, tant que l’enveloppe suit l’esprit.

Il est vrai que ma tête se coiffe d’un nombre incontrôlable de cheveux blancs. Il est vrai aussi qu’une oie a laissé ses empreintes au coin de mes yeux, malgré les promesses des compagnies de cosmétologie. Mais qu’à cela ne tienne!

Mon corps se transforme mais ne s’ankylose pas: j’entretiens ardemment le brasier qui brûle en moi. J’aiguise mes griffes et mon acuité de chasseur, et place dans mon point de mire la réalisation de mes rêves. J’atteins ma cible puisque je fonce dans la vie comme un 18 roues, la main posée sur le bras de vitesse pour accélérer la cadence. Mais surtout, je me responsabilise de ce qui m’arrive. Inutile de brûler des lampions et d’implorer le Saint-Esprit pour que les choses changent. Je suis le catalyseur. Je tiens solidement les brides.

Je me sens ainsi beaucoup plus belle qu’à mes 18 ans. J’ai la candeur et l’allégresse de celle qui sort tout juste de sa chrysalide, assoiffée de me réaliser pleinement. Chaque souffle nous rapproche de la mort? Balivernes. Chaque souffle nous rapproche plutôt de notre vérité. Et lorsqu’on la découvre, on trouve enfin notre fontaine de jouvence.

Ainsi, je serai toujours touchée par ceux et celles qui croient en leur capacité de réaliser leurs rêves, peu importe leur âge. François Paradis et sa chérie Jouhainna Lebel en sont un bel exemple. Au diable la peur de l’échec et les risques du métier! Tête première, ils ont foncé et lancé il y a quelques années Choco-là, une fine chocolaterie située au 64, rue Wellington à Sherbrooke.

Et qu’elle sage décision pour les épicuriens que nous sommes! Mes papilles en redemandent encore. C'est la frénésie en bouche. Tout est finesse et subtilité. Des chocolats gorgés de caramel au beurre et fleur de sel, lavande et miel sauvage, mangue et gingembre confit, mûre et romarin….Dommage qu’autant de kilomètres me séparent de l’extase. Peut-être que cette fois-ci, je ferai exception à mes principes : je ferai brûler un lampion et implorerai qu’ils aient un jour pignon sur rue à Québec….